L'homme au regard d'or (suite)

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Il ne disait plus rien, se contentant de la regarder, parfois. Ils arpentèrent quelques couloirs, Mary Jane en tête. Elle avait remarqué qu'il portait un blouson en cuir, avec quelques poches qui méritaient d'être fouillées. Tout objet non conforme était confisqué. Ca arrivait souvent, car même un cordon pouvait être confisqué. Alors qu'ils arrivaient à la cellule n° 4, Mary Jane se tourna vers Tsume, arborant un large sourire. D'un geste de la main, elle désigna la cellule toute entière, et annonça:

-Votre nouveau logis.

Logis qui comprenait en tout et pour tout deux lits grinçants, une chaise, et une poubelle. Les conditions de vie des prisonniers étaient vraiment dures à High Creek, mais Mary Jane n'en avait presque plus conscience. Pour elle, c'était normal, car après tout, ce n'était pas une colonie de vacances. Elle planta ses yeux émeraudes dans ceux dorés de Tsume, puis d'une voix autoritaire, dit:

-Bon. Votre compagnon de cellule s'appelle Andrew Kuroda, vous ne tarderez pas à faire sa connaissance. A High Creek, il y a des règles simples à respecter. Vous les apprendrez bien assez tôt.

A coups de bâton, de fouet, de couteau, ça rentrera vite. De toute façon, on devait déjà lui avoir précisé le règlement, et si ce n'était pas le cas, il irait se renseigner. Après tout, c'était très simple. Ne pas aller dans les lieux interdits. Ne pas embêter les gardiens. Faire ce que ces derniers ordonnent sans se plaindre. Et facultativement, rester discret. C'était bien plus pratique de se fondre dans la masse, on avait moins de chances d'avoir des ennuis. Elle se tourna vers Tsume, qui semblait apprécier son corset, et annonça:

-Je vais procéder à une fouille, Mr Rosebury. Cela ne vous dérange pas?

Sans attendre la réaction du prisonnier, elle attrapa son sac d'un geste vif, et entreprit d'y plonger ses mains. Ses longs doigts fouillaient et farfouillaient dans le sac. Rien d'anormal pour le moment. Elle sortit une clé un peu tordue, l'introduisit dans la serrure et tourna la clé. La porte s'ouvrit en grinçant. Un son assez délectable, un peu lugubre, juste un peu. Chaque détail était à soigner. Elle s'avança dans la cellule, posa le sac de Tsume sur le lit, et contempla un moment les lézardes qui serpentaient sur le mur sombre. Elle se demanda quelle impression devait avoir le prisonnier qui entrait ici. Elle ne se rappelait plus très bien de son arrivée. Trop lointain. Elle se souvenait juste d'une angoisse. Mais quand était-elle apparue? Dès son arrivée? Une semaine après? Après sa première punition? Elle essaya de se rappeler, puis, se rendant compte qu'elle avait un prisonnier à "accueillir", elle se remit à fouiller dans le sac.

-Enlevez votre blouson.

Elle ne pouvait pas se permettre d'être distraite. Il fallait achever la fouille. Et par conséquent, fouiller tout ce qui pouvait l'être. Différents objets avaient été déposés sur le lit. Se tournant vers Tsume, elle refit un petit sourire terriblement dissonant, et demanda:

-Si ce n'est pas indiscret, d'où venez-vous? Vous ne paraissez pas très anglais.

C'était une simple constatation doublée d'une simple curiosité. Curieuse, Mary Jane l'était. Il lui était déjà arrivé de demander gentiment à un prisonnier de raconter son enfance après l'avoir puni. Elle adorait toutes les histoires. Cela lui permettait, même si elle ne l'avouerait jamais, de se sentir moins seule.

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Les couloirs n'en finissaient pas. Même après les escaliers pour passer à l'étage supérieur Tsume avait perdu le fil du trajet. Le regard oscillant entre la décoration pour le moins lugubre et la surveillante qui semblait à peine plus âgée que lui, il ne se rendit pas compte tout de suite qu'elle s'était arrêtée. Il dû presque faire un pas en arrière pour ne pas la heurter. Il hésita à répondre au sourire de sa geôlière. Il préféra regarder à l'intérieur dudit logis.

Le décor intérieur de le choqua pas plus que ça. Plutôt terne et triste mais il n'était pas encore dans un état d'esprit tel pour qu'il trouve cela lugubre ou oppressant. Peut-être que ça viendrait plus tard. Mais il n'eut pas le temps de s'éterniser sur ces considérations que déjà elle reprenait la parole. Les yeux émeraudes de la dame aspiraient le regard du jeune homme. Vraiment, elle lui plaisait. Il l'écouta attentivement. Ainsi donc le deuxième lit était déjà occupé... Les présentations viendraient plus tard, ils auraient le temps de discuter.

Mais là encore les pensées de Tsume furent coupées par une phrase de miss Wilkinson qui, sans attendre sa réaction, avait plongé dans son sac. Il n'y avait rien de bien particulier dans ce sac, quelques vêtements de rechange et quelques affaires d'hygiène mais sans plus, il avait vraiment pris le strict minimum.

Alors qu'ils pénétraient dans la cellule, puisque c'en était une après tout, Tsume remarqua que la dame semblaient perdue dans quelques pensée ou souvenir. Il ne tenta pas de l'interrompre, elle semblait trop stricte pour se faire couper comme ça. Mais elle se reprit bien vite et continua sa fouille sur le lit.

Le jeune homme pensa alors au couteau qu'il avait réussi à récupérer en le volant aux gendarmes. Durant le transfert où il avait eut accès à ses effets personnels, il avait repris son couteau. Il l'avait ensuite remis à sa place, autrement dit à l'intérieur de son pantalon, coincé à la ceinture dans son dos. Quand il était debout son blouson le cachait mais dès qu'il le retirait le manche noir était tout à fait visible dans le bas de son dos.

Ce qu'il craignait arriva, elle lui demanda son blouson. Comme il était face à elle, il retira naturellement son blouson. Cela ne lui demandait pas de lui tourner le dos, en tout cas dans l'immédiat. Il haussa un sourcil à sa dernière question. Il pensait que dans ce genre d'établissement on se souciait peu de l'histoire des pensionnaires. Après un haussement d'épaule il répondit simplement:

"J'ai été adopté au Japon, c'est tout ce que je sais."

Il n'avait jamais été très bavard quant à ses origines ou à son histoire. Tsume était quelqu'un de renfermé dont il était difficile de tirer quelque chose. Pendant qu'elle continuait à fouiller son blouson il continua à regarder autour de lui. Jetant parfois un coup d'oeil sur ses affaires et incidemment sur la jolie miss qui les manipulait. Y a rien à faire à 20 ans, les hommes sont ce qu'ils sont...

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Il ne semblait pas très perturbé par la cellule. Certains prisonniers arrivaient et regardaient l'état fr la cellule avec une expression de dégoût et d'incrédulité dans les yeux. Tsume ne semblait pas très affecté par ça. Mary Jane finit vite de vider le sac. Rien à signaler. Il ne risquait pas de se pendre avec un slip. Il ne fit pas d'histoires quand elle lui demanda d'enlever son blouson. Mary Jane le prit et le secoua, passa ses mains dans les poches. Rien. Adopté au Japon? Ca expliquait ce prénom. Ce n'était pas vraiment une histoire, et Mary Jane aurait bien demandé quelques détails supplémentaires, mais si le jeune homme ne voulait pas en dire plus, c'était son problème. Dommage, elle aurait bien écouté ce qu'il avait à lui dire. Elle posa le blouson sur le lit, puis se retourna vers le jeune homme. Ses yeux dorés la surprirent encore une fois, et elle les regarda quelques secondes, en se demandant d'où provenait cette couloir pas très naturelle.

-Les autres pensionnaires suivent leurs cours en ce moment. Dans une heure, ils reviendront, et vous pourrez aller au réfectoire avec eux. D'ici là, vous aurez tout le loisir de vous installer ici.

Elle fit un joli sourire à Tsume, puis alors qu'elle allait sortir de la cellule, elle aperçut le manche d'un objet dans le dos du prisonnier. Tout de suite, elle s'arrêta, et se racla doucement la gorge. Elle se planta devant le japonais, et d'un ton enjoué, commença:

-La prochaine fois, vous aurez l'amabilité de prévenir quand vous transportez sur vous un objet interdit. Retirez ce couteau derrière votre dos.

C'était pas de chance. Si elle n'était pas passée derrière lui pour partir, elle ne l'aurait certainement pas vu. Fallait-il commencer à faire des fouilles aux corps? Cette idée ne l'enchantait pas, mais si des petits malins commençaient à dissimuler des objets coupants dans leurs vêtements, il faudrait bien y passer. Elle soupira, se demandant s'il fallait punir. N'était-ce pas un peu abusé de punir quelqu'un dès le premier jour? Normalement, ce genre de considérations n'arrêtaient pas Mary Jane, mais elle décida d'être clémente. S'approchant de Tsume, elle murmura:

-Il vaudrait mieux pour vous que vous ne transportiez plus de petites surprises de ce genre. Je tiens à vous dire que je fais preuve d'une rare charité en fermant les yeux. La prochaine fois, je ne serai pas aussi gentille

Elle se surprit elle-même de sa gentillesse. Elle tiendrait Tsume à l'oeil. Une faute de ce genre, et elle n'aurait plus de pitié.

-Maintenant, pourriez-vous retirer ce couteau de votre...pantalon?

Elle s'assit de manière désinvolte sur le lit, attendant la réaction de Tsume. Il aurait été profitable qu'il se dépêche, car Mary Jane comptait repasser dans la salle des gardiens avant de manger pour récupérer quelques documents qu'elle avait laissés là-bas. De plus, il commençait à faire froid dans la cellule, et le corset qu'elle portait, aussi délicat et sexy soit-il, n'était pas très chaud, et elle n'aimait pas beaucoup perdre son temps. Aussi garda-t-elle un regard dur fixé sur Tsume.

-Dépêchez-vous.

Elle prit son menton entre ses doigts et commença à le tapoter nerveusement. Elle eut envie d'obliger Tsume à retirer complètement son pantalon sous prétexte de voir "si d'autres objets non conformes s'y dissimulaient". Ce serait drôle, distrayant. Elle abandonna cette idée en pensant que peut-être, Tsume serait gêné et ferait des histoires. Même si elle savait que si elle le voulait, elle l'obligerait, Elle préférait garder son autorité pour des buts strictement professionnels.

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Tsume la regarda secouer ses affaires et son blouson. Apparemment il n'y aurait pas de fouille corporelle. Peut-être que ce serait un gardien masculin qui s'en occuperait plus tard... Actuellement sa gardienne semblait curieuse, mais de quoi? Son histoire, ses particularités physiques? D'un naturel taciturne Tsume n'allait pas s'étendre sur tout ça. Si elle lui posait des questions plus précise il allait lui répondre mais sans plus. Comme d'habitude ses yeux regardaient un peu tout et surtout la dame en face de lui. Vraiment elle ne semblait pas beaucoup plus âgée que lui. Mais alors qu'il la regardait les yeux de la miss accrochèrent les siens. Il l'écouta mais tilta sur le fait qu'il y ai des cours. Il avait fini son cursus lui...

"Quel genre de cours sont dispensés? Personnellement j'ai fini mon cursus, je devrai aussi y participer?"

Sa voix était grave, gutturale et roulait dans l'air. Pour une fois il se permit de répondre au sourire de sa geôlière. Mais avant qu'il ne puisse se tourner elle passa derrière lui pour atteindre la porte. Et ce qui devait arriver arriva, elle aperçut le manche de son couteau. Il haussa des épaules.

"On ne m'a pas encore transmis le règlement de cet établissement, je n'ai fait que récupérer mes effets personnels à la police."

Elle lui murmura alors qu'elle se montrait charitable de ne pas le punir. Ainsi donc il était maintenant question de sévices... Corporels? Disciplinaires? Il n'en savait encore rien, et n'était pas vraiment sûr de vouloir le savoir, en tout cas dans l'immédiat. Il ne répliqua pas, elle ne semblait plus d'humeur de toute façon.

Alors qu'elle s'asseyait sur le lit il passa une main de son dos pour attraper le manche du couteau. Il aurait très bien pu s'en servir contre elle. Cette pensée lui traversa d'ailleurs l'esprit. Cet établissement ne lui inspirait aucune confiance et il n'aimait pas se séparer ainsi de son objet presque fétiche. Il adorait les armes blanches et celle ci était particulière pour lui. Mais il revint à de meilleurs sentiments. Devant l'impatience de la dame il sortit son arme de derrière son dos.

La lame était quand même assez impressionnante et le manche noir était savamment ouvragé. C'était une arme parfaitement équilibrée et qui tenait très bien en main. Il la lança en l'air et la rattrapa par la lame. Il tendit alors le couteau manche en avant pour qu'elle ne risque pas de se couper sur l'arme.

Alors qu'elle avait la main sur le manche, il retint légèrement la lame pour poser une question.

"Ce couteau est précieux pour moi, je tiens à pouvoir le récupérer à ma sortie."

Sans plus abuser de la patience de sa gardienne il lacha son arme et la regarda. Il était debout devant elle alors qu'elle était encore assise. Il se recula un peu puis reprit son observation. Il eut un léger sourire.

"Si vous ne voulez pas de surprise supplémentaire vous n'aurez qu'à me fouiller, je suis sûr que ça me plaira..."

Un éclair d'amusement passa dans ses yeux d'or perçants. Ces mots étaient sortis tout seuls. Quand on le poussait un peu il était facilement provoquant. Il s'était déjà beaucoup retenu jusque là. Il fallait bien qu'il sorte quelque chose du genre. Et puis, se faire fouiller par une gardienne au beau minois n'était en effet pour lui déplaire.

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Il était malin. En effet, elle ne pouvait pas le punir, sous prétexte qu'il avait un couteau, puisque le pauvre innocent ne connaissait pas encore le règlement. Néanmoins, il commença à enlever son couteau de derrière son dos. C'était une arme joliment décorée sur le manche, et Mary Jane la regarda quelques secondes. Puis, Tsume lança le couteau en l'air et le rattrapa habilement dans sa main. Mary Jane leva les yeux au ciel, pour bien montrer que sa prouesse ne lui faisait rien. En son for intérieur, elle était quand même impressionnée par le maniement de Tsume, mais elle était aussi agacée par ce petit spectacle. Il prit la précaution de tendre le manche de l'objet à Mary-sûrement pour éviter qu'elle se coupe. Il ne savait pas qu'elle était déjà habituée à manier ce genre d'objets-bien que pour elle, cela ne servait qu'à couper de la peau. Alors qu'elle avançait sa main pour s'emparer de l'objet, elle sentit que Tsume hésitait à le lui donner. Il disait qu'il faudrait le lui rendre à sa sortie. Quand il prononça le mot "sortie", Mary Jane ne put retenir un rictus sarcastique.

-A votre sortie...fit-elle doucement.

La sortie. Tsume ne le savait pas encore, mais si un jour il sortait, il serait changé à jamais. Comme elle était vraiment gentille aujourd'hui, elle ne fit pas part à Tsume de ce qui se passerait si il sortait. Des changements profonds qui s'opéreraient en lui.

-Si vous avez une bonne conduite, on vous le rendra...à votre...sortie.

Et sinon, en plus de ne pas vous le rendre, si vous n'êtes pas sage, on pourrait très bien s'en servir contre vous. Il l'apprendrait bien assez tôt. Il lui suffisait simplement de respecter le règlement. Il lâcha le couteau, que Mary Jane garda en main. Elle allait reprendre la conversation en demandant où il avait eu un si bel objet quand Tsume fit une sorte de...proposition? Non, c'était une simple boutade, n'est-ce pas? Elle remarqua la lueur amusée dans ses yeux. Mary Jane, qui était la blancheur de la neige, fit un petit sourire provocant au prisonnier. Elle sentait bien ses regards qu'il posait sur elle, mais ne s'en offusquait pas. Elle était regardée, souvent. Mais même un homme avec des yeux comme Tsume ne lui faisait rien. Absolument pas intéressée. Elle se leva gracieusement du lit, et détailla le prisonnier.

- Croyez-vous qu'une jeune fille innocente comme moi serait capable d'une telle chose? Allons, ne vous méprenez-pas. Ne soyez pas en retard pour le déjeuner.

Avec un sourire charmeur, elle se dirigea vers la sortie. Elle referma la porte avec un petit soupir. Pourquoi fallait-il que le monde tourne autour de ces choses-là? Elle s'en passait très bien, elle. Elle aurait très bien être la réincarnation de la vierge Marie sur terre. Si on admettait que Marie était une sadique accomplie. D'une démarche rapide, elle se rendit en salle des gardiens pour récupérer des papiers qu'elle avait laissés sur une table. En chemin, elle repensait à ce que Tsume lui avait dit à propos de sa sortie, et elle se demanda brièvement ce qu'il lui arriverait. Sortirait-il ou dispararaitrait-il comme beaucoup avant lui?