High Creek's Jail
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Une prison un peu étrange...
 
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"Le Désespoir est la Charité de l'Enfer" [Aidan]

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Ametsi Dayan
Ametsi
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MessageSujet: "Le Désespoir est la Charité de l''Enfer" [Aidan]   "Le Désespoir est la Charité de l'Enfer" [Aidan] Icon_minitimeVen 15 Mai - 2:43

Tout son corps lui faisait mal. Son épaule gauche surtout. Il n'arrivait même plus à bouger son bras... A chaque tressautement, il lui semblait que son os déboité raclait contre sa peau, profondément, à l'en déchirer. Il tenait son membre inutile serré contre lui, recroquevillé à même le sol du couloir, incapable même de gémir. Depuis combien de temps Aiko l'avait-il abandonné dans cet état ? Probablement peu de temps, vu que les couloirs étaient encore déserts, les Prisonniers étaient probablement encore en cours, les Gardiens à les surveiller. Mais de toutes façons, peu importait. Le temps n'avait pas grande valeur pour Ametsi. Une seconde, une minute, une heure, un siècle... C'était la même chose. Son regard s'était perdu sur les motifs du tapis. Des fleurs de ténèbres se déployaient par centaines sous ses yeux, tourbillonnant au rythme de la pulsation frénétique de sa respiration, avant de se décomposer et de fleurir à nouveau. De la transpiration, toujours, cette transpiration maladive, glacée, qui perlait sur sa peau brûlante de fièvre... Cette transpiration salée qui coulait sur son visage, comme pour remplacer les larmes qui refusaient de couler de ses yeux, laissant son amertume s'épanouir au coin de ses lèvres.

Le dibouk n'était pas vraiment parti, il le sentait. Il s'était fondu dans la pénombre du couloir, mais il était là, partout... Il faisait corps avec cette prison maudite, cette prison si imprégnée de vices qu'elle avait pris vie. Comme un parasite qui vit en symbiose avec son hôte. Il était là, prêt à fondre sur lui. Partout. Il était là. L'esprit toujours embrumé par l'angoisse et la souffrance, Ametsi croyait deviner la forme de son tortionnaire, ses yeux briller dans les reflets que jetaient les gouttes de pluie dégoulinant sur les vitres. Et ce grondement terrible de tonnerre au loin, n'était-ce pas son rire ? Il frissonna, et ce mouvement lui tira un hoquet de douleur.

Pourquoi le Seigneur l'avait-il abandonné ? Pourquoi permettait-il à de telles horreurs de rôder de par le monde en maîtres ? Pourquoi ? Pourquoi était-il seul à les voir, seul à les combattre ? Il était seul. Tout seul. Abandonné. Il se replia d'avantage sur lui-même. Il avait tellement mal, tellement froid, tellement peur... Est-ce que c'était ça mourir ? Dieu était-il quelqu'un de si indifférent que même son étreinte finale était gercée de givre ? Il ramena sa main valide devant son visage pour dérober son regard aux fantômes et aux monstres qui s'agitaient autour de lui, quand son regard fut subitement attiré par un détail au creux de sa paume. Une petite tâche rosée, presque invisible, qui barrait sa ligne de vie. Une bagatelle comparée aux autres cicatrices qui sillonnaient son corps, mais... Il y avait quelque chose de spécial dans cette plaie... Ametsi se concentra sur la brûlure de cigarette, repoussa les brumes de sa mémoire défaillante pour retrouver le fil, réunir les pièces de ce puzzle que son cerveau malade lui soumettait... Et une voix s'éleva de sa mémoire, nimbée d'un parfum de cigarette et d'un bruissement de cheveux, tant de fois ébouriffés.

" Si jamais... Il se produit quoique ce soit, tu peux venir me chercher."

Il était incapable même de se souvenir de son prénom, mais il fut soudain prit du besoin irrépressible, vital, de rejoindre cette voix d'homme. Même si c'était pour y mourir. Le jeune juif se redressa lentement, serrant les dents. Un pas. Puis un autre. Encore un. Encore un... Comparée à sa course éperdue, un peu plus tôt dans la matinée, cette marche était d'une lenteur incroyable. Et pourtant, il avançait. Inexorablement. S'appuyant parfois au mur pour reprendre son souffle. Son bras déboité soutenu par son bras droit. Il traversa ce qui lui sembla des kilomètres de couloirs, passa des dizaines de portes, en somnambule. L'annexe, enfin. La chambre numéro 9. Il avait retenu.

Il gratta à la porte... et personne ne répondit. Il n'était pas là. Il avait menti. Personne n'était là pour lui. Ametsi se laissa de nouveau glisser au sol, réprimant une larme. Il avait espéré, un instant... Mais non. Il était seul, réellement seul. Il avait cru un instant que Dieu ne l'avait pas vraiment abandonné, et il avait couru (ou plutôt rampé) droit en direction d'une minuscule lueur d'espoir, comme un animal stupide. Qu'il crève après tout. Les mauvais esprits d'High Creek le laisseraient peut-être enfin en paix...

Il posa sa tête contre la porte et ferma les yeux.
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Aidan O'Connell
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MessageSujet: Re: "Le Désespoir est la Charité de l'Enfer" [Aidan]   "Le Désespoir est la Charité de l'Enfer" [Aidan] Icon_minitimeDim 17 Mai - 0:34

La rumeur courait vite à High Creek. Aidan avait appris ce qui s’était produit en patrouille au deuxième étage et n’avait heureusement pas croisé l’un des deux protagonistes de l’affaire. Où était Ametsi? Il était en parti en quête du jeune Juif, commençant sa battue par l’infirmerie. Aucune trace de lui au premier étage, il s’était informé à chacune des cellules. Pas dans la cour non plus. Il avait croisé Mihael, non chéri, pas le temps. Une autre fois peut-être. Pavel, tu sais où est Ametsi Dayan? Et si…? Si le môme s’était souvenu de ses paroles? C’était con de s’en faire à ce point. Pourquoi son cœur battait à toute vitesse? Pourquoi est-ce qu’il courait jusqu’aux dortoirs des gardiens? Pourquoi son cerveau partit en vrille en voyant le gosse, effondré contre sa porte?

« Oh, bordel. Ametsi. »

Il s’agenouilla à ses côtés, sa main vint délicatement replacer les mèches tombées devant les yeux du gamin. Il remarqua immédiatement l’angle étrange de ce bras. Déboîté, peut-être? Il lui faudrait sûrement jouer à l’infirmier. Est-ce qu’il avait le nécessaire pour lui construire une attelle de fortune? Son esprit réfléchissait à toute vitesse, vidait mentalement ses tiroirs.

« Attention. J’vais te… »

Son bras s’enroula autour de cette taille fine, il se redressa avec lenteur, guettant la moindre expression de douleur sur ce visage couvert de sueur.

« … soulever. On entre dans ma chambre. J’vais essayer de faire quelque chose pour ton bras. »

Il énonçait chacune de ses actions d’une voix douce, espérant que son interlocuteur s’y accroche, soit capable de ne pas perdre conscience. De sa main libre, il fouilla dans sa poche, tira son trousseau de clé et réussit à ouvrir la porte de sa chambre. Il tâtonna, trouva l’interrupteur, toujours en portant sa charge qu’il s’empressa de déposer sur son propre lit. Une fois de plus, il tomba à genoux devant le garçon, encadra son visage de ses mains pour le dévisager droit dans les yeux.

« Ça va aller? Tu m’entends? Ou plutôt… Tu m’comprends? »

Il esquissa un semblant de sourire rassurant. Ça faisait drôle d’être le contrepoids de Maori. Il s’était tapé des prisonniers, leur avait parfois offert sa protection, mais jamais avec la prévenance qu’il démontrait envers Ametsi. C’était contre les règles, ça? Le directeur ne tarderait pas à lui faire savoir qu’il avait merdé. En attendant, le jeune homme avait besoin de ses soins.

« Tu permets que je m’occupe de ton bras? Je peux le toucher? »

Ses mains s’étaient déjà déplacées jusqu’à sa gauche, prête à ausculter et, si nécessaire, replacer l’épaule déboîtée.
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Ametsi Dayan
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MessageSujet: Re: "Le Désespoir est la Charité de l'Enfer" [Aidan]   "Le Désespoir est la Charité de l'Enfer" [Aidan] Icon_minitimeDim 17 Mai - 3:02

Ametsi s'enfonçait de plus en plus en dedans de lui-même, espérant se noyer dans l'inconscience, sans vraiment y parvenir. Il se contentait de flotter entre deux eaux, rattaché seulement à la réalité par le battement sourd de souffrance qui lui parcourrait le bras en continu... C'était une sensation étrange. Plus de corps, plus de pensée. Rien que cette sensation diffuse d'exister, teintée de douleur. Et puis, le retour à la réalité, lent, comme si son esprit s'extrayait d'une marre poisseuse d'épais goudron. Son prénom ?

Il ouvrit une paupière au contact de la main passant sur son visage, reproduisant l'exact même geste que celui d'Aiko, un peu plus tôt. Un gémissement de peur s'échappa de ses lèvres. Il ne l'avait pas laissé en paix. Il était revenu, et cette fois, il allait l'étreindre de son horreur, refermer ses griffes sur lui et le serrer, encore et encore, et il ne le libérerait plus jamais. Toujours pris dans son délire, Ametsi se débattit faiblement quand il sentit le Gardien le soulever, mais son épaule le lança violemment, lui tirant un faible cri, et il s'immobilisa.

Il perdit à nouveau le fil, les fleurs noires dansaient à nouveau sous son regard. Du sang lui coulait le long du corps, il le sentait. Des choses grouillaient sous sa peau, et un boucan infernal résonnait dans sa tête, un roulement de tambour irrégulier, affolé... son coeur ? C'était comme si tous ses nerfs s'étaient changé en acide qui corrodaient le peu de lucidité qu'il lui restait. Comme si ses poumons étaient remplis d'eau. Une crise, Aiko, un bras déboîté, à la suite et tout ça dans la même matinée... c'était un peu trop à supporter à la fois, même pour quelqu'un de plus stable, de plus fort que le jeune juif.

Sa tête fut prise dans un étau et il poussa un second gémissement plus faible, presque un soupir. Il était incapable de focaliser son regard, tout n'était à ses yeux que mort, désolation et atrocités telles que le monde n'aurait jamais dû en porter. Et puis... ce parfum. Ce parfum si particulier, subtile mélange de l'odeur d'un homme et de fumée toxique. Ce parfum qui l'avait poussé à marcher jusqu'à l'annexe, malgré la douleur et les hallucination. Et le nom lui revint, tout simplement...


"..'dan ?"


Aidan, oui. Était-il vraiment là ? Avait-il réellement tenu parole ? Ametsi referma sa main valide sur le poignet du Gardien, comme pour s'assurer qu'il était bien réel. Que ce n'était pas une hallucination de plus. Et un sourire hésitant flotta une seconde sur ses lèvres, avant de s'effacer à nouveau, remplacé par une expression indécise, un peu perdue. Son bras ? Il tourna la tête vers son côté gauche, et grimaça, comme s'il le voyait réellement pour la première fois. Son épaule formait un angle vraiment bizarre...


"...oui... je veux bien..."

S'il se rappelait assez clairement de sa rencontre avec Aiko... Il ne savait absolument pas ce qui s'était passé le reste de la matinée, si ce n'est que les ténèbres dans lesquelles il avait erré lui laissaient un goût de d'amertume dans la bouche. Il n'avait aucune idée où il était, ni comment il y était arrivé. Il était sur un lit ? L'infirmerie peut-être ? Il voyait flou, sa pupille dilatée à l'extrême lui brouillait la vue et le monde lui semblait un ensemble de formes confuses et entremêlées...
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Aidan O'Connell
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MessageSujet: Re: "Le Désespoir est la Charité de l'Enfer" [Aidan]   "Le Désespoir est la Charité de l'Enfer" [Aidan] Icon_minitimeDim 17 Mai - 7:17

« Ouais, Aidan. C’est ça, c’est bien moi. »

Un sourire avait éclairé le visage d’Aidan, en entendant Ametsi prononcer son nom. Le cri qu’il avait poussé et l’expression peinte sur ses traits avaient inquiété le gardien, incertain de la façon de gérer une psychose. Il avait dû se charger de pensionnaires hystériques de temps à autre, leur avait foutu la tête sous la douche ou les avait latté pour les ramener à la raison. Réserver ce genre de traitement au môme le répugnait, surtout après ce qu’il avait dû endurer aux mains d’Aiko Maori. C’était mal, les scrupules? On pouvait tout de même pas lui reprocher d'être l'un des seuls matons à réparer ce qui se faisait démonter... Jouer les brutes, c'était toujours facile. Fallait pas que ça. Fallait aussi des lopettes comme lui pour nettoyer les dégâts.

Heureusement, le garçon semblait avoir à peu près repris ses esprits. Continuant à lui sourire, l’Irlandais se releva, serrant doucement les mains de son vis-à-vis pour lui insuffler un peu de réconfort. Fouinant dans un des tiroirs de sa commode, il en tira une compresse qu’il imbiba d’eau froide ainsi qu’une bouteille d’alcool. Il revint devant le môme, lui remit la compresse et lui tendit également ce bon vieux whisky national.

« T’en veux? Ça peut peut-être te faire oublier un peu la douleur. C’pas le meilleur truc au goût, mais je doute que la crème irlandaise fasse l’affaire. »

Le dentiste de son quartier administrait toujours une bonne dose de remontant à ses patients avant de leur arracher les dents. Pourquoi pas utiliser le même genre de médecine avec son protégé? Un doute l’assaillit et il offrit une seconde alternative :

« Tu préfères que je me rende à l’infirmerie pour chercher des calmants? Ou tu veux que je reste avec toi? »

Il prit place aux côtés d’Ametsi, examina à nouveau son épaule. Il ne connaissait qu’un moyen pour s’occuper d’une épaule luxée. Ce n’était pas terrible à pratiquer sans anesthésie, mais il fallait bien ramener l’articulation à son emplacement d’origine. À vue de nez, ça ne semblait pas être une fracture. Dégagez, poussez-vous, je suis médecin. Génial, le diagnostic, O’Connell, « à vue de nez. » T’es certain de ce que tu fais?


« OK. Attention. J’vais essayer de te remettre l’épaule… »

Il s’était rapproché du garçon, avait posé ses mains contre son bras blessé et, lui jetant un coup d’œil un brin nerveux, lança :

« Si ça fait trop mal… euh mords. »

Mordre quoi? Bah, ce qui s’offrait à lui. L’épaule de l’Irlandais, p’tête. Il en serait pas à sa première blessure du genre. Il devait par contre avouer que, s'il avait été marqué par un gardien par le passé, des jolies traces dentelées laissées par un pensionnaire seraient une nouveauté. Il avait toujours choisi des détenus plus dociles, plus vulnérables, moins prompts à graver leur possessivité dans sa chair.

Le geste fut preste et Aidan serra les dents au son, à la sensation imperceptible du bras d’Ametsi qui retrouvait sa place initiale. Au tour de l’attelle, maintenant. Il demeura néanmoins tout contre le prisonnier pour s’assurer que celui-ci n’avait pas ou n’était pas sur le point de tomber dans les pommes.


« Ametsi… Ça va aller? s’enquit-il, pour une nouvelle fois. T'es très brave. Tu fais ça super bien, ajouta-t-il avant de poser, instinctivement, ses lèvres contre le front du jeune homme. Tout va être OK, j'te promets. »
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Ametsi Dayan
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MessageSujet: Re: "Le Désespoir est la Charité de l'Enfer" [Aidan]   "Le Désespoir est la Charité de l'Enfer" [Aidan] Icon_minitimeDim 17 Mai - 23:34

Même lui déboîter un bras n'avait pu le tirer de son délire. Le noyer à moitié ou la battre changerait-il quoi que ce soit ? on pouvait raisonnablement en douter. D'autant plus que, depuis son arrivée à High Creek, Ametsi avait encaissé tant de coup que la douleur était devenu une part du paysage, au même titre que les tapisseries du siècle dernier, aux couleurs défraichies et qui gondolent à la première pluie venue, que les tapis mangés aux mites et le parquet qui craque à chaque pas comme s'il allait s'effondrer d'un instant à l'autre. Un élément de la routine, rien d'assez exceptionnel pour le rappeler de son univers de cauchemar, même si la chose n'avait rien d'agréable. L'odeur d'Aidan, elle, avait réussi, bizarrement. Ses crises venaient et partaient sans la moindre logique, sans prévenir.

Il laissa Aidan s'éloigner à regret, et ne le quitta pas du regard tandis qu'il fouillait dans ses tiroirs. Il n'était toujours pas vraiment sûr qu'il soit réellement là. Est-ce qu'il hallucinait encore ? Est-ce que c'était un piège ? Oui c'était certainement ça... Un piège du démon qui voulait lui faire croire qu'il était en sécurité dans ce qui semblait être la chambre du Gardien. Et dès qu'il aurait confiance, il le trahirait et révèlerait son véritable visage. C'était un mensonge, une ruse, une... la compresse d'eau froide lui remit à nouveau les idées en place. C'était Aidan, pas Aiko, pas H.

Il considéra la bouteille, inquiet. S'il avait déjà fumé, il n'avait jamais bu. Ça n'était pas vraiment interdit mais... Et puis l'odeur qui s'en dégageait lui soulevait le cœur. Il s'apprêtait à le dire, essayant de mettre un peu d'ordre dans ses mots pour formuler la chose de façon compréhensible mais Aidan le devança. Un expression de terreur se peignit sur son visage et il agrippa le bas de sa chemise, comme pour le retenir, hochant négativement la tête. Il ne voulait pas rester tout seul, surtout pas... Pas alors que des choses innommables et noires rôdaient à sa recherche dans les couloirs de la maison de correction. La bouteille fut saisie et il avala une grosse gorgée du liquide ambrée. Une douloureuse quinte de toux le secoua tandis que l'alcool descendant dans son œsophage comme une flamme.

La sensation était étrange. Comme s'il s'était soudainement mis à flotter, seulement accroché au sol par quelques hameçons invisibles... Il avait du mal à se concentrer, un peu comme quand il hallucinait, sauf que là, il se sentait... bien. Bizarrement bien. Les mains d'Aidan palpaient son épaule avec délicatesse, et il se laissa faire, docile. Lui remettre l'épaule ? Bien sûr...

Clonk. Douleur. Comme un raz de marée qui irradie dans tout son dos. Un hurlement qui monte. Qu'il étouffe d'une morsure sur l'épaule offerte. Et puis les larmes, qu'il a tant retenu. C'est comme un barrage qui cède, une vraie inondation silencieuse. L'effet de l'alcool certainement... Des lèvres sur son front, il entoure son cou de ses bras, se presse contre lui, respire son odeur, essaye de s'arrêter de pleurer, en vain.


"...'dan..."
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Aidan O'Connell
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MessageSujet: Re: "Le Désespoir est la Charité de l'Enfer" [Aidan]   "Le Désespoir est la Charité de l'Enfer" [Aidan] Icon_minitimeMer 20 Mai - 5:49

Les dents se plantèrent bel et bien dans son épaule, Aidan serra les dents, bronchant à peine. Il avait subi bien pire et puis, les bras d’Ametsi autour de son cou valaient bien une petite dose de douleur. Il referma ses propres bras autour de la taille fine du garçon, l’attirant contre lui avec douceur. Fallait tout de même pas faire preuve de brusquerie, avec l’épaule démise du gamin.

« Ametsi. Chut. Ça va aller. »

Darling. Honey. Sweetie. Tous les qualificatifs y passèrent. Il pouvait faire preuve d’une tendresse terrible, quand il s’y mettait, l’Irlandais. La preuve : cette main qui caressait la chevelure cendrée du garçon, sa voix légèrement rauque au ton chaud, rassurant. Pas étonnant qu’il se soit attiré une flopée de prisonniers au fil des années… Il ne faisait pourtant seulement que prodiguer à autrui ce qu’il aurait souhaité qu’on lui témoigne, à cet âge et dans cette position. Il ne se plaignait pas des traitements qu’il avait reçus. Après tout, il ne pouvait plus changer le cours de son existence et puis, il n’avait pas été tout à fait malheureux entre les bras d’un certain Charon. Il lui était tout de même aisé de deviner les gestes, les paroles à offrir à un Ametsi en détresse, ceux auxquels on s’attendrait de la part d’un être sain, encore un peu humain.

Étirant un bras, il posa une boîte de mouchoirs sur le bord du lit et en utilisa un pour sécher les pleurs du môme contre lui. Lui adressant un sourire, il proposa :


« Tu peux rester ici jusqu’à ce que tu te sentes mieux, OK? »

Sa main décrivit la courbe tendre d’une joue avant qu’il n’ajoute :

« J’vais prendre soin de toi. T’en fais pas. »

Avisant la bouteille de whisky, il la présenta à nouveau à son interlocuteur. Il en ferait pas un alcoolo en une seule journée, il pouvait se permettre de lui en offrir une seconde fois.


« Tiens, prends-en une autre gorgée si tu as besoin. »

Le gardien se redressa, passant immédiatement à la suite du programme. Laisser le bras d’Ametsi dans cet état n’était pas la meilleure des idées. Il lui fallait une attelle, pour prévenir que son épaule fragile ne se déboîte encore. Une visite dans son tiroir et il en tira un foulard noir, qu’il portait pour les patrouilles au-dehors du bâtiment principal, en hiver. En cette saison, il ne servait pas trop et le foulard serait d’une plus grande utilité autour du bras du jeune Juif.

« Va falloir immobiliser ton bras pour un moment. Tu permets? » demanda-t-il, en se rasseyant.

Il se saisit délicatement du bras du garçon et entreprit de lui confectionner une écharpe. Quelques minutes plus tard, après moult précautions, son œuvre était achevée et Aidan l’infirmier la considérait avec sévérité. Elle lui semblait solide. Non?


« Ça te va? T'as pas trop mal? »

Un nouveau sourire et ses doigts qui se risquaient à effleurer une joue encore humide. Ce qu'il pouvait être sympa, parfois. Il s'étonnait lui-même. C'était peut-être l'effet d'Ametsi. Le gosse était littéralement craquant. S'il n'avait été doté de principes voulant qu'on ne touche pas à un gamin secoué et venant tout juste de se péter un bras, il aurait presque succombé à la tentation de le consoler plus intimement.
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Ametsi Dayan
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MessageSujet: Re: "Le Désespoir est la Charité de l'Enfer" [Aidan]   "Le Désespoir est la Charité de l'Enfer" [Aidan] Icon_minitimeJeu 21 Mai - 1:52

Ametsi était certes bien connu à High Creek pour ses crises d'hystérie subites... mais certainement pas pour être un pleurnichard. Qu'une larme coule de ses yeux était rare, bien trop rare. Il gardait tout à l'intérieur de lui, Ametsi. Le chagrin, la colère, la peur, la souffrance, la solitude... Toutes ces émotions qui fermentaient dans son âme, pourrissaient, l'empoisonnaient de l'intérieur comme une insidieuse gangrène. Alors bien sûr, pleurer une seule fois, ou deux, ou mille, ne changerait pas grand chose. Ses cicatrices étaient trop profondes pour ça. Mais ça lui faisait du bien, au moins sur le moment.

Il s'agrippait à l'irlandais de toutes la force de ses petits bras maigrelets, bercé par cette voix terriblement apaisante et sensuelle, par le doux mouvement de ces mains sur ses cheveux... Un mouchoir recueillit ses dernières larmes et il se calma, les yeux rougis. Il cacha son visage contre le torse d'Aidan, honteux de s'être laissé aller à chouiner, et plus encore, de se sentir sur le point d'éclater à nouveau en sanglots pour rien...

Rester là, il voulait bien. Surtout si Aidan continuait à lui caresser la joue, à lui donner de surnoms affectueux, tendres, si différents du "Phobos" dont Aiko l'avait affublé... Il avait toujours ressenti cette faim viscérale de contact humain, encore exacerbée par la puberté qui commençait à transparaître sur ce corps mal nourri. N'était-il pas qu'un enfant, sevré d'amour bien trop tôt ? Si on lui avait dit que la première personne à le prendre dans ses bras pour le consoler serait un Gardien, il aurait sérieusement remis en question la santé mentale de son interlocuteur. Les Gardiens brisaient les coeurs avec la même facilité que les os. Ils ne tentaient pas de les soigner.

Il attrapa la bouteille et une seconde fois avala une longue lampée d'alcool. La sensation de douce chaleur qui irradia dans son ventre, comme une vibration ténue mais bien présente, occulta quelque peu sa détresse quand Aidan s'éloigna à nouveau de lui. Deux mètres, c'était encore trop loin... Il avait besoin de le sentir contre lui, réel, bien vivant.

Il laissa Aidan lui fabriquer une écharpe de fortune, tout comme il l'avait laissé lui remettre le bras, docile, un peu groggy. En confiance. En animal apprivoisé. Elle semblait à des millénaires de là, cette nuit où il se recroquevillait sur lui-même pour éviter le contact de la main de son aîné. Quand Aidan lui disait qu'il allait s'occuper de lui, il le croyait.


"Non... ça va... merci."


Il revint se pelotonner contre l'irlandais dès que celui-ci revint à portée, penchant la tête pour accompagner la trajectoire de ses doigts sur son visage. Il lui semblait que sa peau sur la sienne était presque... électrique. Un peu comme s'il était sorti en plein orage, et qu'il en était revenu, chaque poil de son corps chargé de foudre. Et qu'en se touchant, leurs épidermes ne crépitaient pas, pas vraiment, non, ils "pétillaient" plutôt. Des milliers de petites bulles invisibles parcourant leurs corps... Ametsi se redressa, écartant le col de la chemise noire, négligemment déboutonné comme d'habitude, et posa ses lèvres sur la morsure fraîche.

"Pardon de t'avoir fait mal..."
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Aidan O'Connell
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MessageSujet: Re: "Le Désespoir est la Charité de l'Enfer" [Aidan]   "Le Désespoir est la Charité de l'Enfer" [Aidan] Icon_minitimeJeu 21 Mai - 3:27

Oula. O’Connell, t’as franchement le chic de te placer dans des situations terriblement délicates. Quand t’es pas en train de te morfondre sur tes anciens amours, tu luttes pour conserver les nouveaux. Et voilà, qu’à présent, t’es à deux doigts de t’envoyer en l’air avec Ametsi Dayan.

Bon, il fallait tout de même remettre les choses en perspective. Le baiser qu’avait déposé le gamin contre sa morsure n’était pas un appel au viol, c’était peut-être innocent, candide, pur comme l’était l’âme du jeune Juif… S’emporter, ce serait trahir sa confiance, se servir de sa vulnérabilité pour tirer un coup. Il n’avait pas besoin de ça. Il avait Alex, il avait sa main, des fantasmes de Charon sous la douche… Pas besoin d’ajouter le jeune prisonnier à sa liste de conquêtes, quoi. N’abuse pas, Aidan, n’abuse pas. Va te défouler sur Mihael, si jamais rien ne va plus. Ah tiens, Mihael, il l’avait oublié celui-là. Décidément, quel soap opera il vivait, ces derniers temps. Il se trouvait bien dans la maison de correction la plus redoutée de Grande-Bretagne, voire de l’Europe entière? Il n’avait pas été plongé, sans le vouloir, dans un roman à l’eau de rose à la con? On se réveille, O’Connell. T’es supposé être gardien, pas faire le tapin. O’Connell?

Oh, allez. Deux ou trois secondes de plaisir et ensuite, on oublie tout ça.

D’une main, il avait délicatement relevé le visage d’Ametsi, son autre bras entourant sa taille. Pute, O’Connell, t’es rien qu’une pute. Il approcha ses lèvres de celle du garçon, laissant son souffle effleurer sa peau, sa bouche aussi, parce qu’il hésitait un peu et parce qu’il ne pouvait s’empêcher de faire durer le plaisir. Le baiser fut tendre – il n’était tout de même pas une brute – puis légèrement plus appuyé. Il s’y connaissait tout de même, l’Irlandais, il savait doser son ardeur et ne souhaitait surtout pas effrayer l’être frêle entre ses bras. Il se doutait d’ailleurs qu’Ametsi n’avait pas été initié à ce genre d’exercices et préférait opter pour une approche tout en douceur. Le déclic dans son cerveau, celui qui lui permet de prendre le dessus sur l’intérieur de son slip, se produisit lorsque sa main glissa de la joue du gosse jusqu’à sa cuisse. Tu vas trop loin, là, tout de même, O’Connell. C’est Ametsi, pas n’importe quelle saloperie à tripoter comme ça te chante.

« OK. Ametsi. Merde, pardonne-moi. »

Comme électrocuté par un bâton chargé de morale, Aidan se détacha du garçon contre lui. Il passa sa main dans ses cheveux, l’air d’un grand couillon qui emmène sa nana dans une balade en voiture, la pelote un peu et réalise que ses beaux principes chrétiens l’empêchent d’aller plus loin.


« J’sais pas ce que je fais. T’es pas bien en ce moment. T’es encore tout chamboulé, t’as le bras en charpie… Désolé, j’suis vraiment con. À quoi j’ai pensé… »

Les paroles déboulaient à toute vitesse, incohérentes tout comme ses pensées en tourbillon. Ce qu'il pouvait réfléchir avec sa b... par moment, c'en était carrément désolant. Le regard absent, il s'empara de la bouteille et avala une gorgée pour se secouer les méninges. Peut-être que plonger sa tête sous l'eau serait une bonne solution.


« Écoute, j'suis vraiment, vraiment désolé. Tu peux te reposer, j'vais m'asseoir sur une chaise et veiller sur toi, OK? »

Il fit mine de se lever. Valait mieux ne pas demeurer assis aussi proche d'Ametsi. Il ne se faisait définitivement pas confiance. La tête sous l'eau, voilà qui lui refroidirait le dedans du pantalon. Enfin, il l'espérait.
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Ametsi Dayan
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MessageSujet: Re: "Le Désespoir est la Charité de l'Enfer" [Aidan]   "Le Désespoir est la Charité de l'Enfer" [Aidan] Icon_minitimeVen 22 Mai - 2:23

Bien sûr que c'était innocent. Ametsi n'a pas ce genre d'arrières-pensées, pas encore. C'est juste que le baiser sur la morsure, à ce moment, sous l'effet de l'alcool, lui avait semblé approprié. Vous savez, le "bisou qui guérit tout" que les mères de tout pays, de toutes couleurs et de tout âge font sur le genou égratigné de leur petit dernier en larmes ? Ben pareil. Évidemment, tout le monde n'a pas comme le jeune juif le développement sexuel d'un gosse de dix ans. Et forcément, d'un point de vue adulte, débrailler les vêtements d'un autre et poser avec tendresse ses lèvres à la naissance de son torse, forcément, cela peut-être interprété d'une toute autre manière... Il avait juste eu peur d'avoir fait mal à Aidan, peur qu'il lui en veuille. Et envie de le toucher, de maintenir le contact de leurs peaux vibrantes...

Et voilà que le Gardien l'enveloppait dans son étreinte, dans son souffle. Son dos se cambra légèrement, sa pupille se dilata... Ses lèvres s'entrouvrirent, comme pour murmurer quelque chose, mais le baiser coupa court à toute tentative de communication... C'était quelque chose de complètement nouveau. Une chaleur qui irradiait de sa bouche jusque dans le creux de son ventre. Son haleine épicée, matinée de tabac, le goût de ses lèvres, leur douceur... Il ne réfléchissait plus. Il était... Simplement là, plein, entier, contenu dans le simple baiser que lui offrait Aidan. Son épaule ? Oubliée, du moins pour un temps. Il s'agrippa aux pans de sa chemise, la froissant entre ses doigts. La main sur sa cuisse lui tira un frisson...

Et tout s'arrête. Aidan le rejette, s'éloigne. Sa chaleur remplacée par un grand froid... Et Ametsi réalise subitement ce qu'il était en train de faire. Il embrassait un homme ! C'était tout simplement... Tout simplement contre-nature... Même si ça lui avait semblé être la chose la plus naturelle du monde sur le moment... C'était mal... Son visage s'embrasa de honte. Heureusement qu'Aidan l'avait repoussé... Il lui avait évité la tentation... Était-il méprisable au point de manquer de succomber à un péché interdit de tous temps ? Peut-être avait-il mérité la souffrance que lui avait infligé Aiko ? Non... pas peut-être. Il l'a mérité. Il est
sale.Il a mérité d'expier le mal en lui... Pas étonnant que Dieu ne réponde jamais ses prières s'il était aussi minable et répugnant... Heureusement qu'Aidan l'avait empêché... Heureusement ? Alors pourquoi se sentait-il aussi abandonné ? Il refoula une nouvelle vague de larme, le regard rivé au sol, incapable de soutenir le regard de l'irlandais.

Ametsi obéit simplement au conseil donné, et il s'étendit sur le lit. Il avait un peu la nausée... Peut-être l'alcool. Peut-être l'émotion. Ou les deux. Enfin, le résultat était là... Il n'imaginait même pas qu'Aidan puisse avoir voulu l'embrasser lui aussi. Ses désirs impurs seuls étaient responsables, polluant ceux qui l'entouraient... Et le fait était qu'il avait vraiment aimé cette sensation.


"Merci..."


Merci de l'avoir soigné ? De veiller sur lui ? De ne pas l'avoir caressé d'avantage ? De l'avoir embrassé ? Difficile à dire. Pas sûr qu'Ametsi le sache lui-même. Toujours est-il qu'il ferma les yeux et s'endormit comme une masse. Comme ça, d'un coup. Vlan, extinction des feux.
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Aidan O'Connell
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MessageSujet: Re: "Le Désespoir est la Charité de l'Enfer" [Aidan]   "Le Désespoir est la Charité de l'Enfer" [Aidan] Icon_minitimeLun 25 Mai - 5:40

Ohlala. Les débats de conscience d’Aidan sur sa nature de tafiole avouée, assumée, vaccinée avaient été réglés assez vite. À peine pubère, à peine sorti de la rue, il s’était retrouvé dans les bras d’un homme qui aimait ses partenaires imberbes et naïfs. C’était la triste vérité et c’était ce qu’il avait toujours connu. Avait-il eu le temps de s’interroger sur ses « préférences »? Est-ce qu’il n’avait suivi qu’une voie déjà tracée pour lui ou avait-il était forcer de bifurquer dans un chemin particulier? C’était l’éternelle problématique de l’inné et de l’acquis. Bon nombre considérait que les invertis choisissaient d’être impies. Il ne savait trop quoi en penser… La chose s’était imposée à lui, avant qu’il n’ait même songé aux choses de l’amour. Tout jeune, comme chaque gosse, bien sûr, il avait été hanté par quelques rêveries, mais rien de bien concluant. Des silhouettes informes, pas quoique ce soit qui permette d’identifier avec clarté si O’Connell avait été voué être pédé toute son existence.

De toute façon, lui, très personnellement, n’en avait rien à foutre. On ne lui avait pas demandé son avis à onze ans, personne ne lui avait cherché noise tant qu’il avait été sous la protection du chef des bas-quartiers de Belfast, aucun policier n’avait examiné son intimité éprouvée. Arrivé à High Creek, il était tombé entre les bras de Charon en moins d’un mois… La suite, on la connaît. Il avait perpétué le cycle, s’était choisi des pensionnaires à son tour et les avait initiés aux joies de la pédérastie. Simple? Trop simple? Les choses s’étaient seulement déroulées comme ça pour lui. Il n’avait jamais eu à sortir du placard, il y avait été enfermé dès l’instant où il avait mis le pied dans le monde merveilleux de la sexualité. Sans doute qu’il avait eu de la chance… ou pas. Enfin, chose certaine, il n’avait pas été bassiné par Sodome et Gomorrhe, la vengeance divine et tout ça, pour les sodomites et autres gentils déviants… ce qui n’était apparemment pas le cas d’Ametsi. L’Irlandais l’ignorait cependant, à cet instant, attribuant le trouble du gamin à la chaîne d’évènements débutée par Maori plus qu’à la peur de brûler en Enfer pour avoir roulé une pelle à un autre mec.

« Ça va. C’est rien, » marmonna-t-il, se levant jusqu’au lavabo solitaire, dans le coin de la pièce, une commodité à laquelle avaient droit les gardiens.

Hop, les tifs mouillés, O’Connell avait l’air d’un chien errant. Il s’ébroua d’ailleurs, renforçant cet air canin, puis, remarquant que l’occupant de son lit avait succombé à la fatigue, haussa les épaules et prit siège sur une chaise. Une clope, deux clopes. Contemplation de l’au-dehors, par la fenêtre. Un peu de lecture, il s’était attaqué à Stevenson. Il ne trouvait pas trop plausible cette histoire de double personnalité, mais ça l’intéressait quand même. Un coup d’œil à sa montre. Il ferait peut-être bien d’aller jeter un coup d’œil à la salle de taff, prévenir qu’il demandait à être remplacé pour ce quart-ci. Oups, Charon… Pas le temps de t’expliquer pourquoi j’ai cette allure de chien mouillé, non, une autre fois peut-être. Un détour par l’infirmerie pour récolter des calmants pour contrer la douleur et il revenait sur ses pas.

De retour dans sa chambre, Aidan constata que son visiteur s’était éveillé. Passant sa main dans sa chevelure humide, il lui adressa un sourire avant de refermer la porte.


« Eh, la marmotte, on se sent comment…? »

Ses hormones étaient retournées à un niveau normal, il pouvait s’approcher d’Ametsi sans trop de crainte, à présent. Les merveilles de l’eau froide. Présentant au jeune Juif le tube de comprimés tout en demeurant face à lui, il grimaça en avisant la bouteille de whisky.


« Bon, c’est peut-être pas le meilleur des mélanges pour le moment. Tu pourrais les prendre et attendre à plus tard… Enfin, c’est pas de bol. Chaque fois qu’on se rencontre, je dois te refourguer en médocs. Bientôt, t’vas me prendre pour ton dealer, » lança-t-il, avec un léger sourire.
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Ametsi Dayan
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MessageSujet: Re: "Le Désespoir est la Charité de l'Enfer" [Aidan]   "Le Désespoir est la Charité de l'Enfer" [Aidan] Icon_minitimeLun 25 Mai - 12:58

Mais Ametsi découvrait à peine le fait qu'il n'était pas une créature asexuée, mais bel et bien un jeune homme en pleine possession de son corps et de ses possibilités... Certes, il avait eu des fantasmes, quelques rêves érotiques. Mais il s'était obligé à les oublier, à effacer ces impuretés de sa mémoire définitivement... Et de toutes façons, ses nuits étaient d'avantages occupés par les cauchemars que par les éphèbes ou les jouvencelles. Et dans la journée, sa survie restait son occupation principale. Tant et si bien qu'il n'avait même aucune idée de ses préférences dans ce domaine. Mais ça devrait forcément être les femmes, puisqu'il était un homme. Dieu n'acceptait pas de déviances... C'était mal. Point, à la ligne. Il n'y avait pas à chercher plus loin, n'est-ce pas ? Et tant pis si la peau d'Aidan avait cette texture, cette odeur incroyable. Et tant pis si ses lèvres avaient fait rater un battement à son coeur. Et tant pis encore si un simple effleurement de sa cuisse lui avait envoyé une violente décharge dans le creux de ses entrailles, un pincement de désir qu'il refusait de reconnaître. C'était trop effrayant...

Mais il y avait plus effrayant. Comme se réveiller tout seul. Alors qu'Aidan avait promis de veiller sur lui... L'angoisse lui compressa violemment la gorge. Qu'est-ce qui s'était passé ? Les Ténèbres l'avaient-ils dévoré pendant son sommeil ? Ils pouvaient faire ça ? Ils le pouvaient... À moins qu'il ne soit parti à cause de lui ? Il devait certainement le dégoûter... Mais il avait promis ! Mais qui tiendrait une promesse à un... un... enfin... Un garçon dans son genre ? L'abandon l'écrasait... Il n'osait même pas sortir du lit. Même pas remuer. Il se recroquevilla sur lui-même et ferma les yeux. Dieu le haïssait-il désormais ? Qu'il était sale. Sale, sale sale. Et faible. Sa main se porta sur son épaule blessée et il la serra jusqu'à s'en faire mal, jusqu'à en crier. Sa tête lui tourna et il espéra s'évanouir, s'évanouir pour ne surtout ne plus entendre cette petite voix moqueuse dans sa tête, ce murmure sifflant qui ressemblait à la voix d'Aiko... Le démon était dans sa tête ! Il avait envie de hurler, mais même ça, il n'y arrivait pas.

Faible, faible, faible... La porte s'ouvrit, il se redressa, son oeil gris s'illuminant. Il est revenu ? Aidan est là... Pour de vrai ? À cet instant, l'expression d'Ametsi ressemblerait exactement à celle d'un animal de compagnie abandonné sur le bord de l'autoroute, attaché à un poteau, et qui voit son maître changer d'avis, et revenir le chercher... Une gratitude qui irradie de chaque trait de son visage comme une chaude lumière, une fidélité juste acquise et inconditionnelle. Il lui rendit son sourire, timidement. Aidan était revenu, malgré ce qui s'est passé... Comment pourrait-il aller ?


"...je vais bien..."

Il s'assit, pris le tube qu'on lui tendait, et le posa sur le matelas, à côté de lui. Et il attrapa la manche d'Aidan, pour l'empêcher de s'éloigner tout de suite... Décidément, les chemises de l'irlandais en voyaient de toutes les couleurs avec Ametsi. Entre la fois où il s'en était servi comme serviette, le débraillage de tout à l'heure, et le tiraillement d'à présent...

"J'ai cru que tu étais parti..."

Ça sonne comme un aveu, pas comme un reproche. Il garde le regard fixé vers le bas, incapable de regarder Aidan dans les yeux, se sentant honteux, avant d'ajouter, d'une petite voix :

"Ne me laisse pas..."

Oui c'est dépendant, un Ametsi apprivoisé.
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Aidan O'Connell
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MessageSujet: Re: "Le Désespoir est la Charité de l'Enfer" [Aidan]   "Le Désespoir est la Charité de l'Enfer" [Aidan] Icon_minitimeMar 26 Mai - 16:48

C’était tout de même gratifiant que de se faire accueillir ainsi, avec autant de chaleur, d’espoir, malgré ses vannes merdeuses et son allure de chien mouillé. Aidan décida de laisser de côté toute pulsion malvenue pour endosser un rôle plus convenable, plus correct dans une telle situation, celui du grand frère, du papa presque. Ametsi n’était plus tout à fait un gosse, mais il y avait tout de même une perversité latente, pas tout à fait avouée mais bien présente à tenter quoique ce soit avec lui. Certains auraient souligné que l’Irlandais n’avait pas toujours fait preuve d’autant de scrupules, ce qui n’était pas faux. Cependant, il répugnait à souiller l’innocence du jeune Juif, bafouer sa piété et puis, profiter d’un moment de détresse pour obtenir ce que son corps désirait mais que son esprit n’aurait pas accepté.

Accordant un sourire à son interlocuteur, il prit siège à ses côtés et, son bras retenu par la manche, vint entourer la taille du garçon à la manière d’un grand frère protecteur, non plus d’un éventuel amant. De sa main libre, il replaça les mèches échevelées par le sommeil du garçon tout en lui murmurant :

« Eh, t’en fais pas. J’suis là. J’étais juste parti prévenir que je restais dans ma chambre pour la journée… »

Son sourire s’élargit alors qu’il observait la mine fatiguée, mais légèrement moins blême de son protégé.

« J’suis content. Tu me parais un peu mieux. »

Il réprima la vague de tendresse qu’il sentait monter en lui, craignant qu’elle ne se traduise en des gestes qu’il ne souhaitait pas poser. Considérant que s’excuser ouvertement lui couperait l’herbe sous le pied, l’empêcherait de commettre le moindre impair, il déclara :

« J’suis désolé pour ce qui s’est passé tout à l’heure. J’ai pas trop réfléchi. Pense pas que je te trouve pas mignon, OK? Enfin, j’me demande même si t’aurais pu imaginer rouler une pelle à un mec… »

Aidan passa sa main dans ses tifs ébouriffés, l’air incertain. Comme il pouvait tergiverser par moment, faire bondir à son esprit mille et une contradictions qui rendaient son discours rempli de détours… Heureusement que sa franchise naturelle revenait au grand galop et le forçait à débiter l’essentiel :

« Enfin, c’que je veux dire, au fond, c’est que c’est pas de ta faute et je referai plus ce genre de conneries en ta présence. Tu m’comprends? »

Son regard sombre se plongea dans celui, plus clair, de son interlocuteur. Avant de changer brusquement d’avis, il haussa les épaules et prévint une fois de plus la catastrophe :

« Bon… On change de sujet. Tu peux te reposer encore, si tu veux… J’irai te chercher à manger plus tard. »

Il recula jusqu'à ce que son dos rencontre le mur et tira son paquet de clopes de sa poche. Il avait éteint sa cigarette en se cassant de la chambre, vingt minutes sans nicotine, ça devenait trop long. Une bouffée, un soupir de plaisir. Excluant la douleur, le tabac était l'un des meilleurs moyens pour chasser les pensées néfastes. On aurait pu l'accuser de troquer une drogue pour une autre, d'atténuer le mal par un autre pire encore... mais il préférait se niquer les poumons à... bah, à ravir l'innocence d'un gamin qui n'avait rien demandé. S'en prendre à lui-même, ça allait. Étendre son mal-être personnel, sa solitude, son besoin d'affection sur autrui, c'était inadmissible.

T'as qu'à te suffire de ce que t'as déjà, O'Connell... Et c'est déjà pas si mal que le gosse ait pensé à toi, qu'il ait cogné à ta porte. Son bras s'étira jusqu'à ce qu'il ait rejoint une joue, la caresse avec douceur, pour confirmer ces pensées.


« J’suis rudement content que tu sois venu ici, Ametsi. Je… honnêtement, je sais pas si je peux vraiment te protéger d’Aiko. J’pourrais essayer, mais je sais qu’il me péterait en morceaux. Bon, c’est l’intention qui compte. J’ai l’air d’un sacré trouillard comme ça, mais je me demande juste si on serait plus avancé si je me faisais démonter par notre Maori national et que tu te retrouvais sans personne en particulier pour prendre soin de toi... Enfin, si tu me dis "J'veux que tu le provoques en duel, Aidan, ça m'ferait vachement plaisir", j'vais y réfléchir. »
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Ametsi Dayan
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MessageSujet: Re: "Le Désespoir est la Charité de l'Enfer" [Aidan]   "Le Désespoir est la Charité de l'Enfer" [Aidan] Icon_minitimeMer 27 Mai - 4:13

Il était là, il était bien là ! Le sourire qui se dessina sur ses lèvres demeura là, lumineux. Il avait du mal à y croire... Il était revenu... Il avait eu tellement peur de se retrouver tout seul, de ne plus avoir personne sur qui compter. Comme avant. Quand tout le monde dans les cellules voisines entend vos hurlements de souffrance, vous entend vous rouler au sol, les mains couvertes de votre propre sang, mais que personne, non personne... ne vient. Personne ne vient. Parce que c'est comme ça que les choses se passent à High Creek. Enfin, c'est ce qu'il croyait. Et puis Aidan était revenu... Mais il était l'une des âmes damnées de H, non ? Est-ce qu'il pouvait rester du bon chez ceux qui étaient à sa botte ?

Il s'appuya un peu sur l'irlandais quand celui-ci passa sa main dans ses cheveux, fermant les yeux, soulagé. Il était... bien. Ce qui était assez rare pour être noté. Il désirait simplement profiter de l'agréable tiédeur qui se dégage du flanc pressé contre le sien, du bras passé autour de lui. De l'eau tombait de ses cheveux, il regardait les gouttes cristallines se détacher de ses mèches brunes, flotter un instant en apesanteur, s'écraser et rouler sur la peau fine de son cou. Il aimait son odeur, elle l'apaisait. Elle avait quelque chose de rassurant. Un parfum de "chez-soi". Sa voix, aussi. Ses intonations un peu rauques, sa douceur, chaude, enveloppante, masculine, rassurante.

Même s'il s'en sert pour lui dire des choses qu'il aurait préféré ne pas entendre. Ça aurait été mieux de faire comme si ça n'était pas arrivé, non ? Ametsi l'écouta s'accuser, s'excuser, hochant négativement la tête. Non... Non, ça n'était pas la faute d'Aidan, ne comprenait-il pas ? C'était la sienne. Le démon qui essayait de le faire céder à la tentation par n'importe quel moyen. Et si bien intentionné soit-il, Aidan faisait partie de cet endroit. Durant un instant, il avait été manipulé par la bête. La bête qui avait senti cette faiblesse en lui. La chair est faible mes frères. Voilà. Ametsi venait, en trente secondes à peine, de se persuader de son mensonge. Il faisait toujours ça. Dès que la réalité devenait inacceptable pour ces principes qui le maintenaient en vie, il modifiait sa perception du monde. Pour que cela cadre avec sa vision des choses telles qu'elles devraient être. Plutôt penser qu'ils avaient été poussé par des diablotins plutôt que de croire qu'ils partageaient une même attirance, hein ?

Il soutint le regard d'Aidan. Un pincement au coeur. Une partie de lui regrettait qu'il lui promette de ne plus recommencer. Et l'autre partie se haïssait pour ça. Il avait aimé ce baiser, ça il ne pouvait se le cacher. Et il aurait voulu l'expliquer à Aidan... lui dire que c'était sa faute à lui. Mais les mots refusaient de sortir, et l'irlandais changea de sujet. Se reposer, il n'en avait pas envie. Trop peur qu'il reparte pendant son sommeil. Il lui avait dit que non, et il le croyait mais... il était inquiet quand même. Qui sait ce qui pouvait se passer quand vos paupières étaient fermées ?

Mais il ne put s'empêcher de fermer les yeux, en sentant la main glisser sur sa joue. Ça aussi, il aimait... Cette tendresse, cette douceur. Quelque chose qu'il découvrait tout juste... Un plaisir sensuel, une sensation délicate et inconnue. Il accompagna le mouvement du bras et vint s'asseoir à côté du Gardien. Pas collé non, il avait peur de se changer en insupportable pot de colle aux yeux d'Aidan. Juste assez loin pour ne pas vraiment se toucher. Juste assez près pour que la peau de leurs bras se frôlent. À la mention d'Aiko Maori, Aidan pu sentir les poils de bras de son compagnon blond se hérisser de terreur... Littéralement.


"Ne fais surtout pas ça !"

C'était sorti, comme un cri du coeur... Il poursuivit, gêné par son éclat de voix involontaire.

"Ce n'est... Pas à toi de... me défendre. Je... C'est sa nature d'être... Ne fais pas ça. Il le ferait quand même, de toutes façons... Ça le mettrait plutôt en colère... Et ça serait pire... Il m'a seulement déboîté le bras, ça n'en vaut pas la peine..."

"Ametsi" ou "tant que ça n'est pas cassé, ça n'a pas vraiment d'importance". Il en était à un tel stade de douleur, qu'il en arrivait à relativiser l'horreur de la torture. Il marqua une assez longue pause, puis rassembla son courage, et tourna son visage vers Aidan.

"...c'est de ma faute aussi pour le baiser. Je... ne t'ai pas repoussé."


Il détourna aussitôt le visage, affreusement gêné.
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Aidan O'Connell
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MessageSujet: Re: "Le Désespoir est la Charité de l'Enfer" [Aidan]   "Le Désespoir est la Charité de l'Enfer" [Aidan] Icon_minitimeMer 27 Mai - 19:17

Oh mais ce qu’Ametsi était à deux doigts de rendre Aidan complètement gâteux. Le gamin était vraiment un concentré de… bah de tout ce qui pouvait être adorable, attendrissant, incarné dans un même corps fluet. Tout, de son inquiétude face au bien-être du gardien à sa réserve polie, la distance respectueuse qu’il tentait de conserver entre eux, était mignon. Ça faisait sourire l’Irlandais, qui s’étonnait qu’en dépit des tortures, des psychoses, le garçon soit toujours capable de manifester autant de douceur, de tendresse, même si elle était encore naissante. Devant l’affolement du gamin à la très hypothétique possibilité d’un duel O’Connell-Maori, le gardien s’empressa d’apaiser ces craintes pas très fondées :

« Oh, oh, ça va… »

Il émit un petit rire amusé, avant de passer sa main dans la chevelure blonde de son protégé.


« C’était… un peu une blague. Enfin, la blague ce serait de penser que je peux sortir vivant d’un combat en corps-à-corps avec Aiko Maori. Peut-être que si tu me donnais un flingue, un couteau de boucher et une armure, et à lui, tu refilais… je sais pas, une sarbacane pas chargée et pas pointue, je pourrais arriver à quelque chose. »

Il ricana un peu plus fort, à la seule idée de lui, essayant de « donner une leçon » au Japonais. Il s’imaginait lui balancer des répliques à la con, « J’vais t’apprendre, moi! » ou « Tu vas souffrir… pour Ametsi! », comme dans les westerns. Il adorait les trucs américains, Aidan. Le jazz et les films de cowboys, c’était ses dadas. Son patron, à l’époque où il était toujours un petit voyou dans les rues de Belfast, lui payait parfois des billets d’entrée au cinéma. Ce que ça lui plaisait… C’était peut-être même l’une des choses qui lui manquaient le plus de sa liberté. Au moins, High Creek était dotée d’une bibliothèque, qui lui permettait de s’évader de temps à autre, même si ce n’était pas comme mater un film de John Ford sur grand écran.

Relayant dans un coin de son esprit ses souvenirs des déserts américains et des Mohawks sur le sentier de la guerre, l’Irlandais acheva ses fantasmes de gosse d’un :


« Mais sinon… J’me fais pas d’illusions. »

Il voulut d’abord attirer Ametsi contre lui, mais se souvint de ce bras blessé et préféra se redresser lui-même pour entourer le jeune homme de ses bras. Retrouvant un peu de sérieux – t’as vingt-quatre balais et t’es gardien, tout de même, O’Connell – il reprit une partie des paroles de son interlocuteur, qui l’avaient fait tiquer :


« Enfin, au-delà des conneries, j’veux jamais que tu crois que… qu’un bras déboîté en vaut pas la peine. Une petite égratignure, pas même visible à l’œil nu et ça en vaudrait la peine, t’sais? »

Aidan, gentil papa. Fallait seulement garder intact son self-control, malgré le sex-appeal incroyable qui se dégageait du gamin. Non, il ne voulait pas en faire un de ses petits jouets, ses passe-temps. Ametsi méritait mieux et il avait besoin d’être protégé, pas dépucelé. N’empêche, sa déclaration était trop touchante pour être passée sous silence. Sa main s’éleva à nouveau pour effleurer la courbe d’une joue, invitant le môme à le regarder dans les yeux.


« Et bon… Si tu y tiens, ça sera notre faute partagée, OK? J’soutiens que, par exemple, si t’as le bras déboîté, c’est la faute de Maori qui a agi et non, ton bras qui est pas assez solide pour encaisser ses coups… et donc, que c’est moi le responsable, comme c’est moi qui t’ai roulé une pelle… »

Dans ses yeux dansaient une flamme dangereuse, une étincelle de désir qu’il se voyait incapable d’éteindre. Il se refusa néanmoins à se pencher davantage, à capturer une fois de plus ces lèvres si douces dans un autre baiser, mais sa voix déjà rauque, déjà grave baissa d’un cran et traduisit ce qu’il ne se permettait pas :


« Et c’est pas exactement de ta faute si je… si je te trouve attirant, quoi. T’as pas à t’abandonner à… à ça. J’sais même pas si… tu sais ce qui t’intéresse. Alors, t’en fais pas. J’te force à rien, j’veux même pas qu’on aille plus loin. J’préfère que tu connaisses tes expériences ailleurs, pas dans une prison sordide. J'préfère de loin que tu fasses ça, libre, consentant et pas forcé par des circonstances de merde. »

Ce fut à lui de se détourner légèrement. Self-control, O'Connell, self-control.
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Ametsi Dayan
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MessageSujet: Re: "Le Désespoir est la Charité de l'Enfer" [Aidan]   "Le Désespoir est la Charité de l'Enfer" [Aidan] Icon_minitimeMer 27 Mai - 22:14

Ametsi avait toujours été un gentil garçon, et il l'était resté, envers et contre tout. Il était un peu moins équilibré, voilà tout. Mais il n'y avait qu'à gratter un petit peu sous la croûte de folie pour être submergé de douceur, de délicatesse. Il n'était rien de plus qu'un petit animal craintif en manque d'affection, qui montre les dents quand il se croit en danger. Mais une fois apprivoisé... sa docilité était sans frontières. Il était parfois si facile à manipuler que ça en devenait dramatique. Ou que ça le deviendrait...

Il rit doucement. Pas parce qu'il trouvait la plaisanterie drôle, il avait affronté Aiko de trop près et trop souvent pour trouver l'idée d'un combat contre lui amusante, mais parce qu'il était soulagé. Soulagé de savoir qu'Aidan n'était pas sérieux quand il parlait de défier le dibouk... Nouveau frisson. Dieu seul savait de quoi il était capable... Non il préférait ne pas y penser. Autant encaisser les coups tout seul plutôt que d'y mêler quelqu'un d'autre. Aiko lui avait fait horriblement mal, à plusieurs reprises. Mais il ne l'avait jamais tué. Serait-il aussi "clément" avec un autre Gardien ? Un Gardien qui empiétait sur son territoire ? Qui lui volait sa proie désignée ? Le jeune juif en doutait. Il en doutait fortement. Ça lui évoquait d'avantage un abattoir qu'un film de cowboys. De toutes façons, il n'avait jamais vu de films, et encore moins de westerns.

Il s'abandonna à l'étreinte d'Aidan, se rapprochant même un peu pour mieux se caler contre lui. C'était absolument hallucinant la facilité avec laquelle ses défenses tombaient, fondant comme une motte de beurre au soleil, dès que la douce chaleur de l'homme l'enveloppait. Il avait fait exprès de se mettre à une certaine distance pour ne pas le coller, et le voilà scotché à son flanc moins d'une minute plus tard. C'est beau les résolutions. Surtout quand on les tient. Il baissa la tête en écoutant ses reproches. Qu'y pouvait-il ? S'il commençait à prêter attention à ses blessures, il n'aurait pas fini de souffrir... C'était une partie du paysage pour lui, on l'a déjà dit...


"Non... vraiment... c'est pas important... ça n'est qu'un corps..."

Un corps qu'il niait de son mieux. Que ça soit en le privant de nourriture. En le privant de soins. En le privant de caresses. L'âme au dessus de tout, n'est-ce pas ? Le reste, ça n'est que de la viande. Ça finit toujours par pourrir. Donc peut importe la souffrance. Ça n'en vaut pas la peine. Il finira bien par se calmer tout seul...

Nouvelle caresse sur sa joue, il releva le visage. La voix d'Aidan, ses yeux, son haleine qui caressait à nouveau son visage, éveillèrent un lui un nouveau frémissement, un pincement de désir dans sa poitrine. Il en crevait d'envie. Il crevait d'envie qu'il l'embrasse à nouveau. Sentir ses lèvres sur les siennes, cette ombre de barbe lui picoter légèrement le visage, sa respiration caresser sa pommette, ses mains sur sa nuque... Il le voulait. Vraiment. Et c'était mal, répugnant ! C'était sale, un péché, de désirer un autre homme à ce point. Mais Aidan le rejetait. Il lui disait qu'il le voulait hors de la prison, heureux. Qu'il puisse décider pour lui-même. Et n'était-ce pas le rêve d'Ametsi lui-même ? Être libre ? Mais ça ne le rendait pas heureux... Le ver du péché avait-il donc déjà fait son nid dans son coeur ?

Il baissa à nouveau la tête quand Aidan détourna la sienne. Son regard tomba sur le creux de sa main valide, où trônait toujours la cicatrice de la brûlure de cigarette qu'il s'était infligé lui-même, à lui et au Gardien. Il se mordilla les lèvres avant de lâcher, d'une voix paisible :


"C'était mon premier... baiser... en fait..."
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Aidan O'Connell
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MessageSujet: Re: "Le Désespoir est la Charité de l'Enfer" [Aidan]   "Le Désespoir est la Charité de l'Enfer" [Aidan] Icon_minitimeDim 31 Mai - 23:05

Ametsi ne lui rendait définitivement pas la tâche facile. Aidan se sentait partagé entre la furieuse envie de lui démontrer que non, un corps était bel et bien important et celle de le protéger à tout prix des horreurs d’High Creek. L’aveu du garçon ne le surprit pas, mais réussit quand même à le toucher. Son premier baiser, hein? N’en sois pas fier, gros couillon. Tu devrais plutôt avoir honte d’avoir profité du gamin. La tête toujours tournée, l’Irlandais se livra une bataille intérieure des plus épiques. Deux positions s’affrontaient sur le ring : réconforter Ametsi chastement contre réconforter Ametsi charnellement.

Bon, qu’est-ce que ça lui apporterait, une partie de jambes en l’air? La satisfaction d’être le premier avec Ametsi? Se dire que bon, tant mieux si ses débuts se faisaient tout en douceur, parce qu’il risquait peut-être de se faire violer au détour d’un couloir? Coucher avec lui, ou du moins, lui prodiguer quelques attentions par charité? Quel saint, tu fais, vraiment, O’Connell! Baiser par bonté de cœur, on aura tout vu. Heureusement que sa conscience était là pour l’admonester et pour brider ses pulsions peu catholiques. Réconforter Ametsi chastement emportait donc ce round et, il l’espérait, le combat en entier.

Ce qui ne signifiait pas qu’il ne pouvait pas trouver un certain compromis, un entredeux agréable, quoi. Sa main vint caresser une joue délicate, un geste dont il ne semblait pouvoir se priver.


« Ce sera pas ton dernier. Promis. »

Un léger sourire se voulant confiant, rassurant retroussa ses lèvres.


« Mais c’est pas à moi de te faire connaître… la suite, quoi. J’suis déjà désolé que ce se soit passé avec moi. J’voudrais mieux pour toi, Ametsi. C’est vrai que t’as un comportement exemplaire. Tu vas p’tête t’en sortir… Et puis, t’as déjà tellement souffert… »

Ses prunelles sombres se perdirent dans celles de son interlocuteur. Combats, O’Connell, combats. T’as pas besoin de ça.

« Je veux pas t’imposer, ça, tu comprends? » demanda-t-il, la voix rendue rauque par des émotions qu’il tentait d’étouffer.

Un petit rire s’échappa de ses lèvres, ne détendant pas nécessairement l’atmosphère. Au contraire, désabusé, amer, il lâcha :


« J’sais même pas si t’es pédé… ou si tu m’as pas repoussé parce que t’as peur ou je sais pas quoi. »

Il secoua la tête, l’air découragé. Ça lui taraudait l’esprit, cette question. Est-ce que le jeune Juif avait cédé seulement par dépit? Par terreur de déplaire à un gardien? Par ignorance? Par lassitude? Par besoin d’affection? Il regrettait que son orgueil le tourmente à ce propos. Et si c’était bel et bien le cas? Si ce n’était qu’une question de circonstances? Le gardien avait été le premier à exploiter ce genre de situations…

« Enfin, c’est pas ça, l’important. L’important, c’est que tu te casses d’ici un peu indemne. Si ça, le cul, t’as pu l’éviter jusqu’ici, je souhaite que ça continue jusqu’à ce que les barreaux aient disparu. »

Son bras resserra son étreinte autour du garçon et il exigea de son corps, de son âme de se satisfaire de cette proximité. La situation lui en rappela une autre et, sans même y réfléchir, il l'évoqua devant son protégé:


« Tu sais quoi? Moi j’ai couché avec un gardien quand j’étais prisonnier. Il m’a dit de pas faire comme lui, de vivre ma vie, de retrouver ma liberté et d’avoir des gosses. Et je l’ai pas écouté, bien sûr… »

Charon. Tout ce que le gardien lui avait dit. Sa rage d'être retenu captif. Son discours sur le toit. Qu'ils devaient sauter ensemble un jour. Son coeur se pinça étrangement à cette pensée. Il l'avait déçu, hein? Ça s'était vu sur sa tronche quand il l'avait accueilli à son retour à High Creek. Aidan l'avait pourtant prédit, qu'il y prendrait goût. Il avait toujours préféré les choix qui lui garantissaient d'être malheureux, conscients ou non... sauf avec Ametsi. Il devait renoncer au môme une bonne fois pour toute.

Soulevant sa main, il observa la brûlure laissée au creux de cette paume pâle et la couvrit d'un baiser tendre, délibérément lent, pour mieux apprécier cet instant. À défaut de rouler une nouvelle pelle au gamin, il pouvait se contenter d'embrasser sa main, non?


« Par contre, si ça t’arrive à toi, j’vais m’en vouloir, Ametsi. Tu vaux vraiment mieux que ça, » murmura-t-il tout bas, à l'oreille de son interlocuteur.

Sa tête s'était posée contre la sienne et les yeux fermés, il se laissait tout simplement imprégner de la présence du prisonnier, s'imprégnait aussi de sa décision, de son abnégation. Tu peux être fier de moi, Ametsi. J'me convertis.
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Ametsi Dayan
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MessageSujet: Re: "Le Désespoir est la Charité de l'Enfer" [Aidan]   "Le Désespoir est la Charité de l'Enfer" [Aidan] Icon_minitimeDim 7 Juin - 19:45

La main d'Aidan passait sur sa joue, une fois de plus... Difficile de croire qu'à peine quelques jours plus tôt, Ametsi aurait esquivé le geste en croyant qu'il s'agissait d'un agression, et pourtant ! Les progrès étaient spectaculaires. Il y avait même pris goût. Aidan avait réussi à l'apprivoiser si rapidement... Enfin, apprivoiser... Ametsi n'était pas une bête sauvage en premier lieu, plutôt un animal abandonné qui, malgré sa rapidité à montrer les crocs, n'attendait guère qu'une main tendue, un maître à suivre.

Et puis... Ametsi ne se souvenait même pas du visage de son père. Quel modèle masculin aurait-il bien pu avoir ? Aiko ? H ? Anstern peut-être ? Aidan apparaissait à ses yeux comme un être idéal... Auréolé de cette image d'icône à vénérer, il ne pouvait produire qu'un seul effet sur le jeune juif. Pour faire court, il souffrait d'un complexe d'Oedipe massif, aggravé par ses hormones en plein éveil... Sans compter que bon... Il était hot Aidan quand même. Quand même. Mais forcément, ça ne fait rien pour simplifier le problème.

Les mots d'Aidan ne l'atteignaient pas, ils coulaient sur lui comme de l'eau sur les plumes d'un canard. Il s'était fermé, comme une huître... n'écoutant que ce qu'il voulait bien entendre. Qu'Aidan soit gay ? Inconcevable. Non. C'était trop... Trop immoral. Dieu réprouvait de tels agissements... et puis c'était juste... contre nature. Sale. La voie du démon. Personne ne lui avait donné de cours d'éducation sexuelle, mais il avait tout de même une petite idée sur la question... Et franchement, non, non, non ! Adam et Eve, pas Adam et Yves... Tout ça. Même si sa voix qui descendait dans les rauques lui hérissait l'épine dorsale de frissons... C'était mal. Néanmoins...


"Je n'ai... pas peur de toi... Je te... crois."

Et pour tout. Il lui vouait une profonde confiance. Même s'il se voilait la face en ce qui concernait ses préférences sexuelles, il croyait en lui. Enfin, ça ne voulait pas dire qu'il soit gay, hein ? Hein ? Même s'il fermait les yeux sous le baiser au creux de sa main. Il y avait quelque chose de très sensuel dans la lenteur d'Aidan, presque autant que lorsqu'il l'avait embrassé sur les lèvres quelques minutes plus tôt. Quelque chose de tendre aussi, qui lui donnait envie de passer ses bras autour du cou du Gardien, et de le serrer contre lui. La voix au creux de son oreille transforma son visage en une plaque de cuisson rougeoyante. Valait-il vraiment mieux que ça ? Alors que le geste le plus innocent d'Aidan le mettait dans un état pareil ?

Il se sentait tellement mal... et tellement bien en même temps. Préservé entre les bras de l'homme qui l'étreignait. Comme si le reste du monde n'existait pas. Comme si demain n'existait pas, qu'il ne serait pas obligé de ressortir du havre de paix que lui offrait temporairement la petite chambre. Il s'abandonna un instant contre l'irlandais, à l'écoute de son rythme cardiaque... Boum. Boum. Boum. Boum. Boum. Boum. Boum. Boum. Et puis il se redressa. Il valait mieux qu'il réagisse dès maintenant... Sinon, il allait céder à l'appel du démon, s'assoupir, ou bien... pire.


"Je vais... retourner dans ma chambre, je crois... Tu vas avoir... des problèmes si je reste dans ta chambre..."


La suite par ici : If Only Tonight We Could Sleep
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MessageSujet: Re: "Le Désespoir est la Charité de l'Enfer" [Aidan]   "Le Désespoir est la Charité de l'Enfer" [Aidan] Icon_minitime

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"Le Désespoir est la Charité de l'Enfer" [Aidan]

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